Et la nuit s’en est allée, cédant sa place au jour...
Dans le murmure des feuilles frémissantes des jeunes bouleaux,
je ressens la présence manifeste d’une force magique, celle des dieux. Le feu sacré brûle, et un vieil homme bienveillant prononce son texte sacré. Chaque mouvement de sa main me rapproche un peu plus du ciel.
Je me fonds dans l’air, devenant une particule du monde infini.
Dans chaque goutte de koumys, je perçois le mystère de la purification et de la grâce.
Et dans les premiers rayons du soleil blanc, je sens bouillonner une concentration vivante d’énergie vitale
qui pénètre en moi jusqu’au bout de mes doigts.
Lorsque trois âmes fusionnent en un cycle indissociable de l’univers éternel et de l’esprit humain,
elles se dissolvent dans le temps et l’espace.
À cet instant, je ressens l’ultime limite de l’union authentique entre les êtres humains et la nature.
Et maintenant, je suis un cheval blanc, galopant à travers des étendues infinies...
«Sitim», en langue iakoute, désigne un lien immatériel entre une personne et quelque chose.
Une connexion mystique, attirante et invisible, un fil qui unit l’univers et l’homme.
J’ai travaillé sur cette série pendant cinq ans, visitant une vingtaine d’Yhyakhs dans différentes régions de Iakoutie. Traversant de vastes distances, j’ai parcouru ma terre natale pour assister à des événements où se concentrent les coutumes, les légendes et l’identité unique de mon peuple.
L’Yhyakh est l’incarnation du réveil des esprits de la nature, une journée où les gens, à travers des rituels et des cérémonies sacrés, se rapprochent des esprits Ayy et cherchent l’harmonie avec l’univers et entre eux. À cette occasion, chaque coin de la république s’ouvre avec une âme pure, offrant son cœur à la nature, créant et croyant en la puissance du soleil et des divinités célestes.
Le nom du festival, Yhyakh, vient du mot « asperger », faisant référence à l’acte d’arroser la terre avec une boisson sacrée à base de lait de jument : le khomous. À travers la cérémonie de partage de cette boisson rituelle, les gens expriment leur respect envers les esprits célestes, les Aïyy. Par la danse collective de l’Ohuokhaï, un cercle de danse symbolisant le cycle de la vie dans la direction du mouvement du soleil, ils accomplissent un rite de gratitude pour la chaleur et la lumière. Cette danse peut durer trois jours et trois nuits.
Le point culminant de l’Yhyakh est la rencontre avec le soleil. Ce rituel ancien, préservé jusqu’à nos jours, symbolise la cyclicité de la vie. Lors de ce moment, chaque participant tend une main vers l’horizon, croyant que les premiers rayons du soleil leur apporteront force et énergie, et purifieront leur âme des forces obscures. Des milliers de mains tendues vers le soleil, avide de la chaleur purificatrice de ses rayons montants, offrent un spectacle époustouflant et unique, laissant une empreinte inoubliable sur chacun.
Ce travail m’a permis de ressentir profondément les mythes de mon peuple. Je me suis vue dans les jeunes feuilles fraîches des bouleaux, dans les doigts tendus vers le ciel, dans l’odeur amère des fumigations rituelles, dans le hennissement des chevaux et dans les flammes rougeoyantes du soleil levant.